DeMar DeRozan, l’homme derrière le joueur

Il y a environ deux ans, le shooting guard des Spurs, alors à Toronto, avouait publiquement ses problèmes de dépression. Récemment, Gregg Popovich louait son professionnalisme et son rôle de modèle pour les jeunes dans une série de défaites compliquée pour la franchise. L’occasion de se pencher sur le parcours de DeMar DeRozan et d’essayer de dresser un portrait de celui qui a grandi dans les rues de Compton.

Aujourd’hui, DeMar DeRozan est unanimement reconnu comme l’un joueurs avec le jeu mid range le plus dévastateur et efficace de la ligue – même s’il donne parfois envie aux fans des Spurs de casser leur écran. Il est aussi celui qui n’a pas hésité à s’ouvrir publiquement de ses problèmes de dépression et d’anxiété. 48 heures avant le All Star Game 2018, l’arrière des Raptors postait ce tweet court mais révélateur.

Un comble, diront certains, alors que les stars NBA gagnent des sommes inimaginables pour le commun des mortels. Mais c’est oublier trop facilement l’homme qui se cache derrière le compétiteur et qui, comme tout un chacun, est le résultat d’un parcours et d’une histoire plus ou moins faciles. 

À quelques jours d’un événement majeur dans sa ville natale, DeMar s’apprêtait à retrouver ses deux filles, Diar, née en 2013, et Mari, née en 2016. La séparation récente d’avec leur mère, Kiara Morrison, sa compagne depuis son passage à l’université, n’avait sans doute pas arrangé les choses pour celui qui a toujours été très attaché à sa famille.

Une enfance dans un quartier chaud

Comme le film du même nom, DeMar DeRozan est Straight Outta Compton. Né le 7 août 1989 dans ce comté de Los Angeles – tout comme un certain barbu quelques jours plus tard – il a grandi dans l’un des environnements les plus dangereux des États-Unis. Si le quartier a entre autres donné au rap game des artistes comme Dr Dre, Kendrick Lamar ou Ice Cube, Compton est aussi connu pour sa guerre des gangs et sa criminalité. 

Dès sa naissance, il est déjà un miraculé. « The Blessed One » ! Sa mère Diane n’est pas censé pouvoir porter un enfant et l’accouchement lui est presque fatal. Dans son quartier, avant la religion ou la race, une seule identité compte, le gang Poccet Hood Compton Crips. Rien n’indique toutefois qu’il en ait fait réellement partie.

 « C’est la première fois que l’on se sent accepté, explique DeMar. C’est tout ce que je connaissais. Avec le recul, ça ne fait aucun sens. Mais en grandissant, cela paraissait évident. » À 5 ans, il assiste aux funérailles de son oncle, l’un des membres du gang. Plusieurs proches sont tués dans son enfance. Et le jeune garçon vit des scènes qui marquent l’inconscient. Les enterrements sont souvent l’occasion d’une nouvelle explosion de violence et de nouveaux règlements de compte. « Tu portes cette haine et cette frustration en toi », témoigne DeRozan à ESPN en 2016. 

Malgré tout, grâce à ses parents, il reste à l’écart des balles et s’intéresse davantage à la balle orange, à laquelle il s’initie avec son père. Un apprentissage à la rude. Son père Frank, ancien linebaker des San Diego Chargers, ne l’épargne pas et exploite ses moindres lacunes physiques ou mentales. Cependant, DeMar montre rapidement des qualités intéressantes, puisqu’il est classé Top 5 national à 11 ans. Un talent qui en fait la fierté de Compton et le protège des guerres de gangs.

« Les gens me demandent ce que j’aurais fait si je n’avais pas joué au basket. Je ne peux jamais donner une réponse correcte car, honnêtement, je n’en sais rien. Je n’avais pas d’autre option. »

ESPN – The Virtue of DeMar DeRozan

Son combat contre la dépression

Le Californien fait des prouesses au lycée et rejoint USC, dans son État natal, pour un an de NCAA. Et en 2009, il est choisi par les Raptors en 9e choix de la draft. Plusieurs fois All Star et joueur largement établi dans la NBA actuelle malgré un jeu anachronique à l’heure des 3 points à tout-va, DeMar DeRozan est surtout le premier à avoir parlé ouvertement de ses problèmes de dépression, ouvrant la voie au All Star des Cavs Kevin Love. 

Mentalement solide – on ne parle pas ici de ses 4e quarts-temps, de sa défense ou de ses chokes en playoffs – pour arriver à se tracer un chemin depuis les rues de Compton jusqu’en NBA, l’arrière des Spurs n’en est pas moins tourmenté et sujet à des moments de déprime intenses. Et il a pris la parole pour alerter sur les dangers de cette maladie. Comme il le répète dans la vidéo ci-dessous, « on passe tous par des moments difficiles… peu importe que l’on soit connu ou que l’on passe à la télé ».

Après son fameux tweet, DeMar DeRozan s’est livré au Toronto Star. Il explique ainsi que son côté taciturne et renfermé est sa façon de gérer ses problèmes. Des propos qui lui ont valu un très grand soutien sur les réseaux. Et l’arrière ne se laisse pas atteindre par certaines critiques.

« Ma mère m’a toujours dit : « Ne te moque jamais de personne parce que tu ne sais pas ce que cette personne traverse. » Depuis que je suis enfant, je ne l’ai jamais fait. Jamais. (…) Je traite tout le monde de la même façon. On ne sait jamais. J’ai eu des amis qui allaient parfaitement bien et, du jour au lendemain, ils étaient accrocs à la drogue et ne se souvenait pas de la veille… Je n’ai jamais bu un verre de ma vie parce que j’ai grandi en voyant tellement de personnes noyer leurs problèmes dans l’alcool… »

DeMar DeRozan, Toronto Star

Une action en faveur des joueurs

Le 10 octobre dernier, il appelait à soutenir la Fondation Kevin Love sur ce sujet. Et ce à l’occasion de la Journée Mondiale de la Santé Mentale.

Grâce à ses actions et à celles de Kevin Love, la ligue a adopté de nouvelles règles en début de saison. Chaque franchise est aujourd’hui obligée d’avoir au moins un spécialiste reconnu des problèmes psychologiques à plein temps dans son staff. 

Une grande avancée aux yeux de DeMar DeRozan, qui se félicite d’avoir attiré l’attention de la NBA sur un problème qui touche de nombreux Américains, comme le montre les chiffres de la National Alliance on Mental Illness. 1 adulte sur 5 a ainsi connu ces troubles en 2018.

« Je ne souhaite pas m’attribuer le mérite de cela. Être simplement capable de faire cela pour les gens, leur santé, et inspirer la ligue pour qu’elle mettre en place quelque chose est définitivement une bonne chose. Je pense qu’on verra beaucoup d’aide apportée aux joueurs au fil du temps. »

DeMar DeRozan, MySanantonio.com

Engagé sur différents sujets

Sur d’autres sujets, le champion olympique a pris des positions fortes. Interrogé en 2016 en pleine affaire Kaepernick, il a fait part de son expérience, une nouvelle fois sans se défiler.

D’autre part, le joueur des Spurs a montré à plusieurs reprises son soutien à la WNBA. En septembre dernier, il a par exemple assisté au match des Sparks de Los Angeles contre le Dream d’Atlanta en compagnie de sa fille.

Toujours là pour les siens

Alors qu’il est encore au lycée, DeMar DeRozan a dû faire face à un autre coup dur. Car sa mère est atteinte de Lupus, une maladie auto-immune chronique qui l’oblige rapidement à marcher avec une canne. C’est d’ailleurs ce qui le pousse à se présenter à la draft aussi tôt pour prendre soin d’elle. Et rendre aussi tout ce que ses parents lui ont apporté. Ainsi, son premier achat est une maison dans un quartier plus tranquille pour eux.

Tout au long de sa vie, l’arrière des Spurs a pris soin de faire le bien autour de lui. Malgré les démons qui le tourmentent et les difficultés rencontrées sur son chemin, DeMar DeRozan a prouvé qui il était vraiment. Au-delà du joueur soyeux et parfois critiqué pour son manque de leadership, le numéro 10 des Spurs est le numéro 1 pour ceux qui comptent vraiment : les siens et ceux qui en ont besoin. Et c’est bien là l’essentiel.