Le 11 novembre dernier, un nouveau maillot s’est élevé au plafond du AT&T Center de San Antonio. Tony Parker a rejoint d’autres anciennes gloires de la franchise. L’occasion pour la Spurs Nation France de vous faire découvrir l’histoire de ces joueurs qui ont marqué de leur empreinte l’histoire des Silver and Black. Après James Silas, nous nous intéressons au maître du finger roll, le Hall of Famer George « The Iceman » Gervin.
Si George Gervin était une musique, ce pourrait être l’album de Duke Ellington et John Coltrane In a sentimental mood. Un mélange de fantaisie propre au jazz et ce côté smooth qu’apporte la patte des grands musiciens. Sur le terrain, ses mouvements étaient d’une fluidité et d’une élégance restées dans les mémoires. Au-delà de son style, le numéro 44, avec son gabarit filiforme (2,01 m pour 84 kg), a également marqué les esprits par ses performances hors norme. De quoi lui permettre d’intégrer les 50 Greatest choisis par la NBA en 1996.
Un scoreur prolifique
George Gervin a rejoint les Spurs dans un deal très malin monté par les nouveaux propriétaires de la franchise récemment installée à San Antonio. Une histoire parfaitement contée par Clément dans l’épisode 3 du Spurs Break ou dans cet article. Après deux saisons aux Virginia Squires, une franchise qui disparaîtra peu après, il débarque donc chez les Silver and Black et forme un duo très intéressant avec James Silas.
Preuve de ses qualités de scoreur, l’ailier n’a connu que deux exercices en dessous des 20 points de moyenne en quatorze saisons sur les parquets de ABA et de NBA. Sa première et sa dernière, terminées respectivement à 14,1 pts et 16,2 pts… Au total, Gervin affiche un superbe 25,1 pts sur l’ensemble de sa carrière – un chiffre qui monte à 26,2 pts si l’on ne compte que la NBA. Douze fois all-star consécutivement, MVP du All Star Game en 1980, le numéro 44 a terminé quatre fois meilleur marqueur de la Ligue entre 1978 et 1982, avec une pointe à 33,1 pts en 1979-1980. Shooteur ultra régulier, il tourne à 50 % aux tirs sur l’ensemble de sa carrière et près de 85 % aux lancers-francs.
Iceman, un surnom pour l’éternité
Avec sept saisons à plus de 25,9 pts de moyenne, sa régularité est proprement hallucinante. Il affiche d’ailleurs une série de 407 matchs d’affilée en double figure. Et, si certains affirment que Gervin tire son surnom Iceman de son sang froid, la réalité est différente. Laissons l’ancien Spurs raconter l’histoire de ce baptême. « Roland « Fatty » Taylor m’a donné ce nom lorsque je jouais en ABA avec Virginia. Il m’a appelé Iceman parce que je pouvais marquer 25 points sans avoir une goutte de sueur. »
« Je faisais 70 kg à l’époque et il n’y avait pas d’eau en moi. Les gens pensaient que j’étais Iceman parce que j’étais calme. Mais non. C’est parce que j’étais maigre. »
Los Angeles Times – There Was No Sweat With This Iceman
Un match illustre parfaitement son instinct de tueur. Lors de la saison 1977-78, George Gervin et David Thompson se disputent le titre de meilleur marqueur. Après les 73 points marqués par le joueur des Denver Nuggets lors du dernier match, Iceman doit au moins planter 59 points sur la tête du Jazz de New Orleans. La légende veut que le coach de l’époque, Doug Moe, ait demandé à l’équipe de servir le numéro 44 à foison. Gervin rate ses six premiers shoots et veut stopper l’affaire. Hors de question pour le coach, qui insiste. Résultat, ce 9 avril 1978, le joueur des Spurs score 63 points. Et signe un quart-temps à 33 points, le tout alors que le tir à 3-points n’existe pas. Un record égalé par Carmelo Anthony, puis battu par Klay Thompson avec 37 points face aux Kings de Sacramento. Battu, vous dites ? Pas aux yeux de Gervin.
« Je me suis dit. Wowww, c’est très impressionnant. Mais j’aimerais le voir essayer de marquer 33 ou 37 points en un quart-temps sans la ligne à 3-points », grince la légende.
Bleacher Report – NBA Insider: Iceman to Klay Thompson: Nice Shooting, Kid, but Record Still Mine
Le finger roll, son move signature
Malgré ses performances, George Gervin n’a jamais remporté le titre de MVP. Certainement en raison des résultats insuffisants enregistrés par les Spurs à son époque. En effet, en dépit de ses qualités, la franchise de San Antonio ne remporte aucun titre et n’atteint même jamais les Finals. Compétitifs, les Silver & Black n’ont pu faire mieux que trois finales de conférence. Une à l’Est en 1979 contre les Washington Bullets (4-3) et deux perdues à l’Ouest contre les Lakers en 1982 et 1983 (4-0 et 4-2). En 1982, Iceman tourne quand même à 32,3 pts, 8 rbds et 5,5 pds de moyenne sur la série face à Magic & co.
Mais, en plus de son efficacité, George Gervin est aussi reconnu pour la beauté de son jeu. L’ailier des Spurs apporte un côté esthétique à des performances remarquables. Au fil des années, son finger roll s’est transformé en une sorte de signature. Comme il l’explique très bien lui-même, le numéro 44 a su faire évoluer son jeu.
« J’en ai eu marre de dunker. J’étais fatigué de me cogner le poignet et le finger roll était plus doux, plus beau et c’était facile à faire pour moi grâce à mes longs bras. Mais je l’ai piqué à Wilt, Connie Dawkins et Dr. J et ajouté à mon jeu. »
George Gervin – ESPN Chat with George Gervin
De quoi devenir une menace offensive incroyable. Sa longueur, sa vitesse et son adresse étaient déjà des atouts remarquables. Mais Gervin possédait aussi un jeu sans ballon impressionnant et sa maîtrise du finger roll, un shoot si difficile à contrer et qu’il exécutait à la perfection, en faisait un attaquant hors pair.
Un parcours difficile
Enfant de Detroit, George Gervin a grandi dans la pauvreté dans une famille de six enfants. Abandonnée par son père alors qu’il n’est qu’un bébé, sa mère fait ce qu’elle peut pour nourrir tout son monde. « Je ne saurai jamais comment elle a réussi, mais elle devait être une femme sacrément forte, assure-t-il. En y repensant, je ne sais pas comment nous avons pu traverser cela. Elle arrivait toujours à faire en sorte qu’on n’ait pas faim. »Son chemin vers la NBA n’avait donc rien d’évident.
Et ce d’autant plus que ces débuts avec la balle orange n’ont rien d’extraordinaire. S’il est amoureux du basket, il n’excelle pas vraiment au shoot et ne mesure que 1,72 m au lycée. Presque coupé par la Martin Luther King, JR High School, Gervin est pris en charge par l’assistant coach Willie Meriweather, qui devient vite une figure paternelle et un mentor. Le jeune garçon est déjà un gros travailleur. Une qualité qu’il conservera toute sa carrière. Pour progresser, il enchaîne les shoots tous les soirs au gymnase en échange d’un coup de balai.
« Je n’avais rien d’autre à faire. En un sens, j’étais vraiment un gamin chanceux. Je n’ai jamais eu à me préoccuper du crime, de la drogue ou d’autres choses en lien avec le ghetto. La seule chose dont je me souciais était le basketball. »
NBA.com – Legends profile: George Gervin
Pas vraiment un élève brillant, il fait des efforts pendant l’été pour réintégrer l’équipe avant sa dernière année de lycée. George Gervin connaît aussi une poussée de croissance et signe une saison à 31 points et 20 rebonds de moyenne. Il rejoint alors la NCAA et la California State University. Mais, après un semestre seulement, il retourne dans son état natal et intègre Eastern Michigan. Sa carrière dérape à l’occasion d’un tournoi où il frappe un autre joueur et se fait exclure de l’équipe. Les invitations aux essais pour les équipes olympiques et le tournoi pan-américain tombent également à l’eau.
George Gervin trouve alors refuge au sein de la Eastern Basketball Association où ses performances attirent l’œil de l’équipe de ABA des Virginia Squires. Un certain Julius Erving fait déjà partie de la franchise. La suite est connue et Iceman devient une légende des Spurs. Il termine sa carrière NBA chez les Bulls avant de continuer à martyriser les défenses en Europe avec Banco Roma puis Manresa en Espagne, à 38 ans.
Toujours proche des Spurs
Alors que le basket était toute sa vie, il vit mal sa retraite et tombe dans des addictions qui l’obligent à suivre des cures de désintoxication. Il se trouve une autre passion, le golf, et tire profit de son parcours pour aider les autres. Son implication dans la communauté est très appréciée à San Antonio. Il a notamment créé le George Gervin Youth Center pour aider les enfants en difficulté. Il fait également le lien entre la franchise et les habitants depuis le début des années 1990 et a même occupé pendant deux saisons le poste d’assistant coach.
Introduit au Hall of Fame en 1996, George Gervin restera un des joueurs les plus admirés de l’histoire. « C’est le joueur pour qui je paierais ». Quand Jerry « The Logo » West dit ça de vous, il n’y a plus rien à ajouter.