Après vous avoir raconté l’histoire du Rodeo Road Trip, je vais me pencher sur la prise de commandes de Popovich en 1996.
Popovich est un coach atypique dont le caractère bien trempé anime la planète NBA. Génie médiatique pour certains, personnalité décriée pour d’autres, il reste néanmoins, et de façon unanime, un des meilleurs coachs de l’histoire de la NBA. Si sa méthode de coaching est à inscrire dans tous les bouquins d’école de management, sa prise de pouvoir au poste de coach des Spurs est un épisode assez flou et bancal. Revenons sur cette histoire sombre et étonnante de sa prise de poste.
Une blessure fatale
Pour ça, il faut replonger 24 ans en arrière lors de la saison 1996-1997, Pop est alors GM des Spurs depuis déjà 2 ans et pour la première fois de sa carrière, il va enfiler le costume de coach. Il avait secondé Larry Brown en tant qu’assistant coach mais n’avait jamais pris les rênes de l’équipe au premier plan.
On est au tout début de la saison 1996, Bob Hill est le coach depuis 2 ans et possède un excellent bilan avec les Spurs : 121 victoires pour 43 défaites. Il a sous sa main une très belle équipe avec des joueurs talentueux comme David Robinson (MVP deux ans auparavant), Avery Johnson, Sean Elliott, Dennis Rodman et Vinny Del Negro. Seulement, gros coup de tonnerre durant la pré-saison : alors oui, Dominique Wilkins va signer chez les Spurs pour un an, mais c’est encore plus imprévu que ça : David Robinson se blesse au dos le 11 octobre 1996 et manquera les 18 premiers matchs de la saison.
Affaiblis par cette absence majeure et les blessures de Chuck Person, Charles Smith et Will Perdue, les Spurs vont commencer la saison avec un terrible bilan de 3 victoires pour 15 défaites, une déroute qui coûtera le poste à Bob Hill, viré par Popovich lui-même, qui prendra sa place dès le match suivant.
Des zones d’ombres autour du licenciement
Au vu du bilan de ce début de saison rien de vraiment très choquant, même si Bob Hill sortait de deux saisons régulières exceptionnelles et des playoffs tout à fait acceptables. De plus, il commence quand même la saison 1996 sans son meilleur joueur. Mais si on se penche un peu sur les détails du licenciement, on aperçoit des zones d’ombres dans le dossier et on peut voir que Pop ne l’a pas réellement joué « à la régulière ».
Tout commence par le timing assez gênant : Pop congédie son coach le 10 décembre 1996, le jour même où Robinson revient guéri de sa blessure et joue le match face aux Suns. C’est à dire qu’il n’a laissé aucune chance à son coach de relancer sa saison une fois son meilleur joueur de retour en bonne santé.
Deuxièmement, juste après le licenciement de Bob Hill, de nombreuses rumeurs surgissent disant que Popovich enviait le poste de coach depuis quelques saisons déjà et qu’il n’attendait qu’un pas de travers pour justifier son renvoi. C’est d’ailleurs Bob Hill lui-même qui a annoncé :
« Je sentais qu’à ce moment-là, s’il avait l’occasion de me virer il le ferait. J’aurais probablement dû démissionner et sortir d’ici. Finalement, je suis resté et il a obtenu le poste. Je suis persuadé qu’il a toujours pensé à ce moment-là. »
Bob Hill
Enfin, d’autres rumeurs disent que certains joueurs se seraient plaints de Bob Hill, et en premier lieu David Robinson, qui n’aurait pas accepté le rôle donné à Dominique Wilkins, tout juste arrivé à San Antonio. En effet, celui-ci a rapidement gagné la confiance de son coach qui n’envisageait pas de basculer le natif de Paris dans un second plan même après le retour de l’Amiral.
Will Perdue et Avery Johnson également n’étaient pas totalement satisfaits de leur coach, et notamment au niveau de leur temps de jeu durant le 4e QT, Avery étant carrément sur le banc sur certains matchs dans cette période.
Malgré quelques soutiens discrets, la plupart des joueurs ont été choqués de la décision radicale de Popovich vis-à-vis de leur coach. Del Negro notamment, Dominique Wilkins également, qui répondra un emblématique « You’re kidding » à l’annonce de Pop.
Gregg Popovich justifiera cette décision car Hill avait « perdu la confiance de son équipe » avec cette série de défaites. Il aurait également été déçu des résultats en playoffs des deux campagnes précédentes où l’équipe avait atteint une première fois, les finales de Conférence perdues 4-2 face aux Rockets de Olajuwon, puis les demi-finales de Conférence face au Jazz du duo mythique Stockton et Malone, perdues 4-2 également.
Popovich prend les commandes
Bob Hill écarté, Pop récupère donc le coaching et son joueur star après 18 matchs de saison régulière, et vous pouvez appeler ça du karma ou pas, mais l’Amiral se blessera à nouveau au pied 5 matchs seulement après son retour et ne reviendra plus de toute la saison.
L’absence de David Robinson et les nombreuses autres blessures mèneront les Spurs à un terrible bilan de 20 victoires pour 62 défaites, qui reste toujours aujourd’hui la pire saison de l’histoire de la franchise. Arrive alors la lottery en 1997 où les Celtics avaient les plus grandes chances d’obtenir le 1er pick de draft avec 27,51%. C’est finalement les Spurs qui l’obtiendront, malgré 21,60% de chance, et ils choisiront sans hésitation et sans surprise le meilleur joueur de la cuvée : un certain Timothy Theodore Duncan, vous connaissez la suite…