Si les Spurs alternent toujours le bon et le moins bon, le pivot autrichien des Silver and Black réalise sans doute la meilleure saison depuis son arrivée dans la Ligue. Devenu l’un des cadres défensifs de l’équipe, Jakob Poeltl est surtout plus impliqué en attaque, à l’image de ses récentes performances contre les Sixers ou les Bulls.
Ok, j’ai sans doute fait hurler mon équipe de TTFL en choisissant Jakob Poeltl un soir d’errance et en affirmant, sans ciller, qu’il deviendrait bientôt un safe pick. Mais suis-je vraiment si loin de la vérité ? À voir son évolution cette saison, l’Autrichien est clairement entré dans une autre catégorie. Certainement pas celle des franchise players ni même celle des pivots dominants, mais l’homme le plus blanc de tout le Texas est aujourd’hui une pièce maîtresse dans la reconstruction des Spurs.
Dans la nuit de dimanche à lundi, le seven footer des Spurs a sorti l’une des plus belles performances de sa carrière. 25 points, 10 rebonds, 2 passes, 4 contres, le tout face à Joël Embiid. Au passage, il signait là son 15e double-doubles de la saison et devenait le premier à aligner une telle ligne de stats depuis… Tim Duncan en 2004. De quoi justifier les louanges du coach. « Jakob Poeltl est quelqu’un qui apporte quelque chose à chaque minute qu’il passe sur le terrain. Il est incroyable et mérite un grand coup de chapeau pour ce qu’il fait », a ainsi réagi Popovich. Même son adversaire du jour, plutôt adepte du trashtalking, a eu des mots sympas envers le pivot texan.
« Il est bon. Il fait toutes les petites choses, notamment au rebond. Offensivement, il n’a pas les qualités pour tirer des jump shots, mais c’est une star dans son rôle. » Joël Embiid
Un changement d’état d’esprit
Pour Jakob Poeltl, cette évolution ne doit rien au hasard. Mais le départ de nombreux contributeurs offensifs (DeRozan, Gay, Mills) l’a poussé à aborder les matchs différemment et à forcer son tempérament. « Même quand j’avais 15 ans, je n’ai jamais été un de ces gars qui se montrait et prenait des shoots fous », souligne l’intéressé. « Cette année, mon rôle est d’être l’un des leaders en attaque et j’essaye d’être plus agressif et de prendre un shoot quand il se présente, de driver vers le cercle de temps en temps. Voilà à peu près mon état d’esprit. »
En plus de cette évolution en attaque, le pivot des Spurs continue à s’appuyer sur ses forces. Très actif sous le cercle, il s’impose comme un rebondeur offensif particulièrement efficace (4 par match, 2e de la Ligue). Et offre ainsi de nouvelles chances de marquer à ses coéquipiers. Grâce à son envergure, son placement, sa mobilité et son sens de l’anticipation, il est aujourd’hui l’un des meilleurs protecteurs de cercle de la NBA et, tout simplement, l’un de ses défenseurs les plus sous-estimés. Anthony Davis s’en souvient encore…
Une progression constante
À 26 ans, l’Autrichien semble donc avoir passé un cap. Un nouveau palier pour celui qui a atterri à la fac de l’Utah en 2014. Repéré par Andy Hill, assistant coach des Utes, à l’occasion du championnat d’Europe U18 en 2013, Jakob Poeltl n’avait jamais imaginé franchir l’Atlantique pour poursuivre sa progression. « Je n’avais jamais réfléchi à la fac avant de rencontrer coach Hill, avant ce championnat d’Europe. J’avais toujours pensé aller dans un club en Europe parce que l’université n’était simplement pas pour moi. Je n’avais aucune offre. Puis j’ai commencé à l’envisager et l’idée m’a plu », se souvient le pivot.
Pour Hill, Jakob Poeltl a d’énormes qualités à développer : de bonnes mains, un bon footwork, il court… Et les stats sur le tournoi traduisent cela, malgré les difficultés de l’Autriche : 15,4 points, 12,3 rebonds et 2,6 contres. Une aubaine qu’il soit caché en Autriche pour la petite fac d’Utah qui voit un vrai potentiel chez le joueur. Alors, le coach principal, Larry Krystkowiak – qui a notamment évolué une saison aux Spurs et une à Levallois – n’hésite pas à faire deux fois le déplacement jusqu’à Vienne. Et pas pour écouter du Mozart ou se plonger dans les archives de Freud… Il rencontre les parents de Jakob, deux anciens volleyeurs de haut niveau. Une visite du jeune basketteur sur le campus d’Utah finit de convaincre la fac. Et l’aventure américaine peut débuter pour celui que Mike Malone, coach des Nuggets, considère aujourd’hui comme l’un des joueurs les plus sous-estimés de la Ligue.
De l’Utah au Canada
Malgré l’intérêt de plusieurs autres universités – la NCAA est un petit monde – Jakob Poeltl débarque donc au bord du Lac Salé. Il y poursuit ses études et s’aguerrit. « Je pouvais cumuler basketball et éducation. Et je pense que je n’étais pas prêt à 100 % pour le basket professionnel à l’époque », reconnaît-il. Pendant deux saisons, il aligne des stats convaincantes : 13,3 points, 8 rebonds et 1,7 contre de moyenne sous la houlette de l’ancien intérieur Krystkowiak. En 2015, il emmène les Utes au Sweet 16 (défaite face à Duke). L’année d’après, il est élu joueur de l’année de la Pac-12 avec 17,5 points et 9,1 rebonds.
Jakob Poeltl est finalement sélectionné en 9e choix par les Raptors lors de la draft 2016. La première année, il partage son temps entre la G-League et la NBA avant de rentrer définitivement dans la rotation en jouant les 82 matchs lors de sa deuxième saison au Canada. Inclus dans le trade de Kawhi Leonard, l’Autrichien apparaît d’abord davantage comme un complément que comme un vrai bon coup pour les Spurs.
Un élément clé des Spurs
Mais depuis, au Texas, le pivot de Vienne a fait ses preuves. Rempart défensif, utile pour ses écrans ou sa qualité de passe, à l’aise sur pick and roll (coucou Dj et Derrick) il se fond parfaitement dans le collectif des Silver and Black. Ses stats seules – 12,8 points, 9,1 rebonds, 1,6 contre – ne disent pas tout. Son impact est bien plus large. Quand il est sur le court, l’équipe est plus efficace des deux côtés du terrain. Et si Jakob Poeltl, loin des regards et de l’attention médiatique – on a l’habitude à San Antonio – était en fait l’un des pivots les plus rentables de la NBA ?