Qu’est-ce qui cloche dans la défense des Spurs ?

Ce n’est plus un secret pour personne depuis quelques temps, les Spurs défendent atrocement mal. Le retour de Dejounte Murray et les apports de cet été ne suffisent pas à stopper l’atrocité défensive à laquelle on assiste lors de chaque match. Mais pourquoi une franchise réputée pour être un bastion depuis plus de 20 ans se transforme en bar self-service pour toutes les attaques de la ligue ? Je vous propose d’analyser le problème de défense des Spurs grâce à quelques statistiques et à des séquences du dernier match face aux Lakers de LeBron James et Anthony Davis.

Mise au point statistique

Tout d’abord, regardons quelques chiffres : Les Spurs sont classés 26e en ce qui concerne le Defensive Rating (nombre de points encaissés par la défense par 100 possessions), avec un petit 113,5. Et malgré notre très bon Offensive Rating (110,8, 6e), on se retrouve quand même avec un Net Rating négatif.

Alors oui, ces statistiques font un peu peur mais, au final, on pourrait se dire que la différence n’est pas si grande et que le problème n’est pas si ample. Et pourtant, il s’avère que si. La faute à un grand nombre de joueurs jouant une grande quantité de minutes en handicapant sévèrement notre défense. Ces joueurs, qui sont-ils ? Vous le savez déjà, ils s’appellent Bryn Forbes, DeMar DeRozan, Marco Bellinelli ou Patty Mills. Évidemment, comme on va le voir dans quelques instants, les problèmes défensifs des Spurs sont surtout collectifs, mais ces problèmes d’équipes seraient moins flagrants si nos extérieurs pouvaient défendre.

Problème de taille

On assiste notamment à un soucis de taille et de masse chez nos extérieurs. Patty Mills mesure 1m83 pour 82 kilos et Bryn Forbes se cantonne à un petit mètre 88 pour 93 kilos. Sachant qu’ils jouent systématiquement face à des joueurs plus grands et plus lourds qu’eux, il est difficile de rivaliser. Beli, lui, commence à se faire vieux et sa mobilité latérale est devenue un vrai obstacle.

Seulement, le physique ne fait pas tout en NBA et on a déjà vu des défenseurs très corrects malgré leur petite taille (Patrick Beverley, Jrue Holiday ou John Stockton en sont de bons exemples). Non, le souci de notre défense se passe dans la tête de chaque joueur. Deux mots d’ordre : Intelligence et Envie. Le fameux QI Défensif dont on parle souvent est essentiel pour pouvoir garantir une défense constante, ça n’étonne personne. Et c’est là que tous nos nos extérieurs pêchent, à l’exception peut-être de Patty Mills qui a déjà prouvé au fil des années qu’il n’était pas complètement inapte.

En revanche, Bryn Forbes, Marco Belinelli et DeMar DeRozan, eux, sont inexcusables. Et DeMar n’a même pas l’excuse du physique, il est taillé pour être un bon défenseur. Entre les mauvais placements et la naïveté de Forbes, la lenteur de Belinelli et la flemme de DeRozan (qui est le seul des trois à réussir, quand il veut, à défendre sur l’homme), ils mettent constamment notre défense à mal. Et l’envie de Forbes ne le sauve pas, il a même plutôt tendance à trop en faire plutôt que de se concentrer sur l’essentiel. Pour clarifier mon propos, voici un exemple.

Source : https://www.youtube.com/watch?v=VBiBtOSrztI

Sur cet extrait, les Wizards remettent rapidement la balle en jeu pour tenter de marquer. Il reste alors 3 secondes. Bradley Beal reçoit la balle et Forbes est assigné en défense sur lui. Au lieu de l’accompagner dans son drive pour le forcer à s’arrêter et à prendre un tir compliqué et contesté, Bryn décide de mettre son corps en opposition (alors qu’il fait 10 kilos de moins que Beal), ce qui le déséquilibre et qui l’empêche de contester le shoot. Ce sont peut-être des détails, mais l’accumulation de ses mauvais choix finissent par nous coûter cher.

Pour résumer

Lorsque DeMar DeRozan est en défense sur le terrain, les Spurs affichent un Defensive Rating de 116.2, chiffre qui baisse de plus de quatorze points lorsqu’il rejoint le banc. Même soupe pour Bryn Forbes, un Def Rtg de plus de 117, qui baisse de 11 points quand il ne joue pas.

Ces statistiques sont encore plus alarmantes lorsqu’on y ajoute le temps de jeu de ces deux larrons : 34 minutes de moyennes pour DeRozan, et plus de 27 minutes pour Forbes.

Belinelli et Mills sont moins touchés par ces statistiques puisque leur temps de jeu est moindre et qu’ils n’ont généralement pas à faire aux mêmes mastodontes que les titulaires. De plus, les apports défensifs de Jakob Poeltl et Derrick White ne sont pas à négliger. Cela dit, on retombe quand même sur nos pattes quand on remarque qu’on les retrouvent parmi les derniers en Defensive Box Plus/Minus, plus précisément à la troisième et à la douzième place en partant d’en bas. On y retrouve d’ailleurs notre ami Bryn Forbes, qui peut se targuer d’avoir le cinquième pire DBPM.

Les statistiques c’est très bien, c’est passionnant, mais c’est tout de même limité lorsqu’on parle de défense. Il est donc temps d’analyser quelques séquences datant du match du 25 novembre face aux Los Angeles Lakers. Pour les amnésiques (volontaires ou non), on a pratiqué un beau jeu offensif mais notre défense catastrophique nous a noyé dans la défaite.

Séance vidéo : la défense des Spurs en image

Les yeux rivés sur le ballon

La première possession dont nous allons parler se situe à la toute fin du second quart, à 6 secondes de la mi-temps. Pour le contexte, Danny Green vient de rater un 3 points en transition, et le rebond revient dans les mains d’Anthony Davis. La suite est un excellent exemple du manque d’envie et d’intelligence défensive de cette équipe.

Source : stats.nba.com

Un problème récurrent de cette équipe, c’est que tous nos joueurs sont obnubilés par le porteur de balle et négligent totalement ce qu’il se passe autour. Comme on le voit ci-dessous, lorsque LeBron récupère le ballon, Forbes défend sur Danny Green dans le corner alors que, JUSTE devant lui Caldwell-Pope est totalement ouvert. Le bon move aurait été de flotter entre les deux shooters pour pouvoir contester un minimum chacun des tireurs, ou au mieux les faire hésiter et laisser la défense revenir. À la limite, il aurait pu abandonner Danny Green qui est plus loin, et donc plus compliqué à atteindre pour le porteur de balle. Et le temps que la passe arrive à destination, Forbes aurait pu coulisser sur lui.

Le second problème sur cette possession se situe à l’opposé. Et il a des majuscules à l’intérieur de son nom. DeRozan, qui défendait sur Anthony Davis lors de la dernière possession, ne s’est pas replacé une fois que ses coéquipiers sont revenus à leur place. Trey Lyles et LaMarcus Aldridge sont placés sur leurs joueurs (AD et Howard), et Murray a dû défendre LeBron, faute de mieux. Mais, puisque DeRozan a les yeux aspirés par le ballon, il n’a pas remarqué que KCP était seul à l’opposé. En l’absence de replacement de DeRozan, la solution aurait été qu’Aldridge se décale sur Caldwell-Pope et que Lyles remonte sur Dwight Howard. Et un problème plus général surgit de ces explications : on n’a aucun système défensif. Pas de rotations, pas de communication, et on arrive à ce genre de situations où on encaisse des points bêtement en laissant des shooters grand ouverts.

Défense en transition

La seconde possession va mettre en exergue un autre gros problème de notre défense : les transitions.

Source : stats.nba.com

Ici, LeBron James remonte la balle après un tir raté et il trouve immédiatement KCP (encore lui) seul dans le corner. On pourrait se dire que c’est la faute de Derrick White qui avait encore les yeux sur la balle, mais en fait il ne faisait que compenser le vrai soucis de cette séquence : la vitesse de Jakob Poeltl.

Au départ de l’action, Poeltl était au box out sur Anthony Davis et se retrouve donc derrière tout le monde. Et alors qu’il devrait courir pour rattraper son retard sur ses coéquipiers et adversaires, il remonte le terrain en trottinant et ne peut donc pas revenir suffisamment tôt sur son assignation défensive : JaVale McGee.

On se retrouve alors dans une situation où Derrick White doit compenser l’absence de Poeltl, en abandonnant donc Caldwell-Pope derrière l’arc (car un tir à trois point ouvert à moins de chance de rentrer qu’un lay up ouvert sous le panier). Lorsque LeBron fait fait sa passe, White n’arrive pas à temps et KCP déclenche son tir.

Une solution pour tenter de sauver cette possession aurait été qu’Aldridge coulisse sur KCP et que Poeltl se charge d’AD, ce qui aurait crée un mismatch entre White et McGee, mais ça reste une situation plus confortable que d’abandonner un shooter. Une fois de plus : pas de communication, pas de système, pas d’automatismes.

Et ce n’est pas un cas isolé non plus, après notre défaite face aux Wizards, Davis Bertans avait même déclaré :

On ne les jouera plus en saison régulière cette année, donc je peux le dire : ils sont un peu lent à revenir en défense.

Source : www.expressnews.com

Les Spurs sont lents. Cela pourrait être une définition du dictionnaire tellement l’image d’une équipe lente et calme est attachée à la franchise de San Antonio. Mais alors que nous avons, et ce depuis vingt ans, toujours eu une défense d’élite malgré cette idée, cette fois cette lenteur devient un facteur important dans l’explication de notre naufrage défensif. Elle crée un retard constant sur nos adversaires et rend notre défense beaucoup moins efficace.

Les écrans, première prise

On l’a vu, l’absence de rotations défensives est un problème majeur à San Antonio, et on a pas fini d’en parler avec une troisième possession mettant en lumière les trous que ça crée quand une équipe n’est pas coordonnée.

Source : stats.nba.com

Cette action débute par un pick & roll (on va en reparler aussi) entre Rajon Rondo et Anthony Davis. En défense, nous retrouvons Dejounte Murray sur le porteur de balle, et LaMarcus Aldridge en couverture. AD pose l’écran pour Rondo, et DJ se retrouve coincé dedans et met donc un peu de temps à revenir sur son joueur. Afin de faciliter son retour, Aldridge se place donc en protection du panier afin de boucher le drive de Rondo, jusqu’ici tout va bien.

Mais c’est ici que les choses se gâtent, Aldridge redescend trop bas vers le panier ce qui fait que quand Murray revient sur Rondo, ça laisse Anthony Davis grand ouvert à 3 points.

C’est alors que Patty Mills, qui a visiblement pensé que quelqu’un suivrait son idée, se décale sur Anthony Davis pour l’empêcher de shooter, laissant Troy Daniels seul. Dans un monde parfait, où la défense des Spurs est au point, toute l’équipe aurait suivi et DeMarre Carroll serait remonté sur Daniels, Gay sur Kuzma et Aldridge aurait coulissé sur Howard. Malheureusement, n’étant pas dans le bon univers, Anthony Davis a le temps de faire une passe à Daniels qui est toujours tout seul, Patty n’ayant pas le temps de faire l’aller retour.

Les écrans, deuxième prise

Avoir des rotations défensives affûtées demandent énormément d’efforts et d’investissement, c’est évidemment une question d’automatismes et il faut beaucoup travailler pour les obtenir (ce qui n’excuse en rien notre comportement en défense). Revenons à quelque chose de plus simple, un pick & roll tout ce qu’il y a de plus normal.

Source : stats.nba.com

Ce n’est peut-être pas la possession la plus explicite dans ce style, mais c’est suffisamment mauvais pour que l’on remarque le problème. En quelques mots : chaque écran est un enfer. On a un don pour se perdre bêtement dans de simples screens posés par n’importe qui. Bryn Forbes s’est d’ailleurs fait spécialiste de ces visites dans l’abdomen de ses adversaires, mais aujourd’hui c’est DeMar DeRozan qui est à l’affiche.

Tout commence par un simple pick & roll entre LeBron James (défendu par DeRozan) et JaVale McGee (défendu par Poeltl). James prend l’écran, et comme on s’en doute, DeRozan va rester coincé et prendre du retard sur son joueur. Ce qui fait que durant toute la séquence, DeMar se retrouvera derrière LeBron, ce qui annihile immédiatement tout impact possible.

La suite est très simple : malgré le décalage de Murray pour tenter de ralentir LeBron James, se dernier passe à travers et se retrouve face à Poeltl qui a été forcé de se décaler dans la raquette pour empêcher le porteur de balle de se retrouver seul face au panier. Ce décalage de Jakob va permettre à McGee de passer derrière son défenseur (qui est donc concentré sur le porteur de balle), et il suffit à LeBron d’une passe lobée pour permettre à JaVale de conclure un alley-oop. Et tout ça part d’un simple retard sur un écran. Il n’y a pas de réactions en chaîne ou de mauvais placements, rien de tout ça. Un simple retard et toute la défense est déréglée. C’est toute la complexité d’une bonne défense, un mélange entre individualité et collectif.

Conclusion

La majorité des problèmes défensifs à San Antonio viennent en premier lieu de nos joueurs extérieurs, première ligne de défense et les premiers exposés en cas de pépin. Mais ne nous méprenons pas : manque d’envie pour certains, de lucidité pour d’autres, intérieurs ou extérieurs, joueurs ou staff, personne n’est irréprochable et tous ont un rôle à jouer dans notre chute au classement. Et évidemment qu’il ne suffit pas de pointer un problème du doigt pour le résoudre, cela demande des heures et des heures de séances vidéos et d’apprentissage que Gregg Popovich et ses collaborateurs doivent s’évertuer à transmettre depuis le début de la saison. Mais l’absence d’améliorations après près de vingt matchs joués nous force à nous poser des questions. De quoi sera fait le futur ? Aucune idée. Pour l’instant, tout ce qu’on peut faire, c’est continuer de supporter cette grande équipe que sont les San Antonio Spurs.