Troisième épisode de notre série “Une Bague/Une Histoire”, consacrée aux cinq titres gagnés par les Spurs. Après le départ à la retraite de David Robinson en 2003, l’effectif de San Antonio s’articule désormais autour du trio Parker-Duncan-Ginobili. Ensemble, le Big Three des Spurs va construire sa légende lors de cette saison 2004-2005.
Le contexte
Tout un été à ruminer l’un des buzzer beater les plus improbables de l’histoire. Au moment de commencer la saison 2004-2005, les Spurs sont encore meurtris par le shoot assassin de Derek Fisher lors des derniers playoffs. Quelques mois plus tôt, le meneur des Lakers avait offert la victoire aux siens alors que Duncan et sa bande tenaient encore leur billet pour la finale de conférence à quatre centièmes de la sirène. Mais l’horizon s’est déjà un peu dégagé le 14 juillet 2004, quand Shaquille O’Neal, sur fond de lutte interne avec Kobe Bryant et de défaite cinglante en finales NBA contre les Pistons, a claqué la porte de la maison Purple & Gold pour prendre la direction de Miami. Reboostés par le vide laissé par le gros Shaq à Los Angeles, les Spurs attaquent la saison revanchards et déterminés à reprendre leur couronne.
Le casting
Autour d’un Tim Duncan All-NBA First Team pour la septième année consécutive au cours de l’exercice 2003-2004, Tony Parker et Manu Ginobili prennent de plus en plus de place et les contours du Big Three commencent à se dessiner. La saison précédente, le Français et l’Argentin étaient les deuxièmes et troisièmes armes offensives des Spurs . À l’aube de leur quatrième (Parker) et troisième (Ginobili) saison en NBA, les deux joueurs semblent prêts à passer un palier.
Une bague / Une histoire – 2003, les adieux d’une légende
Aux côtés des trois hommes de base du système Popovich, les soldats s’appellent Bruce Bowen, fidèle à son poste de pitbull défensif pour la quatrième saison consécutive, Rasho Nesterovic, que les Spurs sont allés chercher au Wolves à l’été 2003 pour prendre la place de David Robinson au poste 5, Robert Horry, arraché aux Lakers à l’intersaison précédente, ou encore Malik Rose et Devin Brown. Comme souvent depuis que R.C Buford et Gregg Popovich sont aux manettes, l’été des Spurs a été très calme. Seul Brent Barry, qui sort de cinq saisons sérieuses aux Sonics (10,8 points, 5,8 passes en 2003-2004) a rejoint le Texas en tant qu’agent libre pour densifier les lignes arrière.
La saison régulière (59 victoires/23 défaites, #2 à l’Ouest)
La continuité prônée lors de l’intersaison va payer. Dès le début de la saison régulière, le collectif texan tourne à plein régime et les hommes de Popovich s’installent tout en haut de la conférence Ouest. Comme depuis plusieurs saisons, les Spurs enchaînent les victoires grâce à leur défense. Meilleure équipe de la ligue en termes de points encaissés (88,4 en moyenne par match, quelle époque…) et au defensive rating, les Spurs sont étouffants. En attaque, TP et Manu prouvent qu’ils ont encore progressé.
À seulement 22 ans, le meneur français envoie 16,6 points et 6,6 passes de moyenne. Son compère argentin sur le back-court, installé, cette saison-là, dans le cinq majeur, montre quant à lui que le titre olympique gagné à Athènes avec l’Albiceleste ne l’a en aucun cas rassasié. Grâce à ses 16 points de moyenne, l’arrière des Spurs s’offre même une sélection au All-Star Game 2005, l’une des deux seules de sa carrière.
En février 2005, les Spurs envoient Malik Rose ainsi que leur premier tour de draft 2005 (qui deviendra David Lee) aux Knicks. En échange, San Antonio récupère Nazr Mohammed, le pivot titulaire de la franchise new-yorkaise. Malgré ce trade et le départ d’un joueur présent dans l’effectif depuis sept ans, la mécanique ne s’enraye pas. Seule frayeur de la saison régulière : la blessure à la cheville de Tim Duncan fin mars, qui éloignera l’ailier fort des terrains pendant une dizaine de matchs. Malgré tout, les Spurs terminent la saison à la deuxième place de la conférence Ouest et retrouvent leur franchise player juste avant d’entamer les playoffs.
Les playoffs (4-1 Nuggets, 4-2 Sonics, 4-1 Suns)
Au premier tour de ces playoffs 2005, les Spurs affrontent les Nuggets de Carmelo Anthony, alors dans son année sophomore. Lors du match 1, les Texans vont se faire surprendre par un étonnant André Miller. Plutôt habitué à distribuer des caviars, l’ancien meilleur passeur de la ligue (2002) prend feu et plante 31 points au SBC Center. Menés 1-0, les Silver & Black vont immédiatement réagir et remporter les quatre rencontres suivantes.
C’est un tout autre morceau qui se dresse sur la route de San Antonio au tour suivant. Les Sonics, troisièmes de la saison régulière à l’Ouest, ont parfaitement tourné la page Gary Payton et se sont construits une équipe redoutable autour de Rashard Lewis et de Ray Allen. Cette demi-finale de conférence est aussi une opposition de style, puisque Seattle présente le deuxième meilleur offensive rating de la saison régulière. À ce petit jeu, c’est bien la défense de Popovich qui va prendre le pas sur l’attaque de Nate McMillan. Alors qu’aucune des deux équipes n’avait jusque-là réussi à s’imposer à l’extérieur, les Spurs font basculer la série au game 6 sur le parquet des Sonics.
Le show de Phoenix terrassé
Comme si les Spurs n’avaient pas eu assez de boulot pour contrer l’attaque de feu des Sonics, ils doivent désormais se coltiner les Suns de Mike d’Antoni et de son basket ultra-offensif en finale de conférence. Le show de Phoenix, emmené par un Steve Nash tout juste élu MVP de la saison 2004-2005, tourne à plein régime. Mais les Spurs ont aussi leur mot à dire en attaque et ils le prouvent d’entrée. Dès le match 1, le ton est donné : les Spurs inscrivent 121 points, dont 77 pour le seul trio Parker-Duncan-Ginobili. Battus lors des deux premières rencontres sur leur parquet, les Suns, pourtant meilleur bilan de la régulière, ne s’en relèveront pas.
Les Finales (4-3 Pistons)
Changement d’ambiance en finales NBA. Les Spurs affrontent les Pistons, champions NBA en titre et dignes héritiers des Bad Boys des années 80. Les fans du basket champagne peuvent passer leur chemin. Dès le match 1, dans le Texas, San Antonio montre à Chauncey Billups, Tayshaun Prince, Ben Wallace et consort qu’eux aussi ont du répondant en défense. Les hommes de Larry Brown ne passent pas la barre des 70 points et le duo Duncan-Ginobili (respectivement 24 et 26 points), porte les Spurs.
Après une démonstration au match 2 (97-76), où Ginobili a encore été sur tous les fronts (26 points, 9 rebonds), les Spurs s’envolent pour le Michigan en menant 2-0. Là-bas, ils sont victimes du sursaut d’orgueil des champions en titre. Vexés et surtout bien décidés à ne pas lâcher leur couronne aussi facilement, les Pistons infligent deux énormes gifles aux Spurs (96-79, 102-71). Après ces corrections, San Antonio ne s’effondre pas et parvient à hausser son niveau de jeu au match 5, toujours disputé au Palace d’Auburn Hills. En prolongation, alors qu’ils sont menés 95-93, “Big shot Rob” Robert Horry inscrit un trois points ultra-clutch dont seul lui a le secret pour faire passer son équipe devant à six secondes de la fin.
Un game 7 d’anthologie
De retour dans le Texas en menant 3-2, les Spurs ont deux munitions pour conclure la série à domicile. La première, lors du match 6, va être gâchée (95-86). Puisque de telles finales ne pouvaient pas se finir autrement que lors d’un match à la vie à la mort, les deux équipes vont se disputer le trophée Larry O’Brien dans un game 7. Là encore, Pistons et Spurs vont se livrer une vraie guerre de tranchée. Le tableau d’affichage donne une idée de l’intensité défensive de ce match décisif : il faut attendre d’être entré dans les trois dernières minutes du 4e quart-temps pour qu’une des deux équipes dépasse la barre des 70 points…
Dans un SBC Center en fusion, et ce malgré l’opiniâtreté des Pistons, les Spurs finissent par prendre un avantage définitif à 35 secondes du terme grâce à un drive côté droit de Manu Ginobili (avec une finition main gauche, évidemment). Après une lutte acharnée, Détroit rend les armes et, dans le même temps, abandonne sa couronne aux Spurs.
Malgré un impact décisif sur toute la série et des stats très solides (18,7 points, 5,9 rebonds, 4 passes), Manu Ginobili n’est pas élu MVP des finales au profit de Tim Duncan, distingué par ce trophée individuel pour la troisième fois. Mais l’essentiel est ailleurs : avec les deux hommes, bien épaulés par un Tony Parker moins présent sur la feuille de statistiques mais tout aussi fondamental dans la réussite de l’équipe lors de ces finales, le futur de la franchise est radieux et la belle histoire du Big Three pourrait s’écrire en plusieurs chapitres.